Space Dream (Nouvelle Jeunesse 5000 caractères)


Longtemps, Fatou s’est couchée de bonne heure, mais pas ce soir. Ce soir, elle avait décidé de re-goûter aux joies d'une vie sociale épanouie en allant au restaurant avec de vieilles copines.
──Mange un fruit plutôt, il y a des mandarines, dit-elle avant de poursuivre, olala, déjà 7 heures, il faut que j'y aille ma chérie, tu ne te couches pas trop tard hein, il y a école demain.
Et Smaaac. J'eus le droit au bon vieux bisou ventouse de ma belle-mère.
Et claaac. La porte d'entrée se referma derrière elle.
Enfin seule. A 11 ans et demi, il était temps. Adios Caroline, feu ma babysitter/grande sœur qui venait d'entrer à la fac à 500 kilomètres de chez nous. J'imitai Dobby, l'elfe de maison dans ma saga préférée, Harry Potter :
──Clémentine est liiiiibre.
Qui dit aucun adulte dans les parages, dit orgie de cookies, pas de lavage de dents et au lit après minuit. Jour de fête ! J'étais excitée comme une puce au salon de la moquette.
Mais c'était sans compter la fatigue accumulée cette semaine. Alors que mon téléphone portable indiquait à peine 21h30, vautrée dans mon lit si moelleux ô combien confortable, je me sentis sombrer dans le sommeil.
Lorsque j'ouvris un œil, je découvris stupéfaite un paysage haut en couleurs, bariolé, complètement surréaliste, comme si j'avais atterri en plein dans un dessin animé.
J'étais au milieu d'un champ, avec des vignes à perte de vue et quelques arbres ici et là. Le ciel d'un bleu plus bleu que bleu donnait envie de plonger dedans, quant au soleil, il semblait avoir été colorié en jaune poussin à la main et brillait de mille feux.
──J'aurais dû prendre mes lunettes de soleil avant de venir ici, pensai-je à voix haute.
Mais c'était où, ici ? Etais-je en train de rêver ?
Soudain, un mouton, vêtu d'un pantalon et d'un béret vint jusqu'à moi.
──Bonjour Madame, sauriez-vous par hasard vers quelle direction aller pour se rendre à Bèèville ?
Euh ? Un bovidé qui parle, marche et qui s'est habillé ? Bon okay, je rêvais.
Il poursuivit :
──Il ne faut surtout pas que je sois en retard, le festival de la Laine va commencer et je suis cette année l'invité d'honneur.
La bouche en 0, je ne pipai mot, quand une orange géante qui portait une longue échelle en bois et qui était apparue de nulle part, répondit à ma place.
──C'est par là-bas.
──Merci l'orange, s'exclama le mouton.
──Je suis une mandarine, vieux bouc, rétorqua t-elle aussitôt, les deux sourcils froncés.
──Vieux quoi ? Je suis un shetland pure race, espèce d'agrume, se vexa à son tour l'animal.
──Bouseux !
──Comment ? s'époumona t-il, rouge de colère.
J'eus envie d'intervenir.
──S'il vous plait, calmez-vous. Finalement, grâce à elle, vous savez comment vous rendre à Bèèville. Ne tardez pas si vous voulez arriver à l'heure.
Il se tourna alors vers moi.
──Hum... Vous avez raison, je n'ai pas de temps à perdre avec un fruit bouffi. Je file à Bèèville, la présentatrice du festival de la Laine, Madame Cachemire, est d'un charme fou, je ne dois pas la faire attendre, me répondit-il avant d'emprunter le chemin de terre derrière nous.
Puis il disparut.
La mandarine ne put s'empêcher de faire une réflexion.
──Ce genre de bête est à vous rendre chèvre, heureusement qu'il s'en va. Quand je pense que je lui ai rendu service, soupira t-elle. Bref, j'ai également à faire, je dois réussir à remonter dans mon mandarinier.
──Ah okay, je comprends mieux pourquoi vous vous promenez avec cette échelle, commentai-je. Pardonnez mon indiscrétion, mais pourquoi souhaitez-vous retourner dans votre arbre ?
──Quelle question bizarre ! Parce que c'est là que je suis née, pardi. Et pouf, ce matin, tandis que je profitais tranquillement de ma branche, je suis tombée tout à coup par terre, dans l'herbe mouillée qui m'a chatouillé l'écorce. J'avais les pépins en vrac. Et les autres en haut se sont moquées de moi, se lamenta t-elle.
Attristée par le sort de la petite mandarine, je devais lui remonter le moral. Je tapotai machinalement sur la feuille verte qui lui faisait office de coiffure.
──Tu sais, je pense que si tu t'es enfin détachée de ta branche, c'est que tu es mûre.
──Mûre, tu dis ? Mais qui l'a décidé ? Je ne voulais pas.
──C'est la nature qui l'a décidé pour toi. De petit bourgeon, tu as évolué et es devenu un beau fruit juteux. Tu peux en être fière.
──C'est vrai, tu me trouves juteuse ? C'est trop gentil ça, sourit-elle, émue.
Driiiing, sonna le réveil posé sur ma table de chevet.
Le soleil, plus terne que celui qui scintillait dans mon rêve, se levait. Autour de moi, aucun doute malgré la pénombre, c'était bien ma chambre. Je n'étais plus l'héroïne d'un dessin animé. Je ne l'avais jamais vraiment été. Dommage. Il était cool ce rêve, j'aurais voulu y rester encore un peu.
──Clémentine, m'appela ma belle-mère. Le petit déjeuner est servi. Devine ce que je nous ai préparé, j'ai trouvé une recette sympa sur Insta.
──J'sais pas, marmonnai-je, toujours au chaud sous ma couette.
──De bonnes madeleines qui sortent juste du four.
Mes narines frétillèrent. C'est finalement pas si mal la vie d'enfant.

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